Formation des enseignants : après un départ raté sur la place du concours, la FAGE demande de la cohérence dans la réforme

06/03/19

Le 20 février, les Ministres Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal annonçaient leurs décisions sur la place du concours et la formation des enseignants des premier et second degrés, lors de la remise du rapport de Monique Ronzeau et Bernard Saint-Girons.

Alors que la FAGE s’était positionnée pour une réforme du concours qui permette aux étudiants d’accéder au professorat avec un concours à l’entrée du master et une formation profondément refondue, le Gouvernement, en décidant de placer le concours lors de la seconde année du master, fait craindre un fort risque de parcours tubulaire et une précarisation des étudiants en MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation).

Cette réforme était fortement attendue, alors que le projet de loi Ecole de la confiance, qui arrive au Sénat après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, prépare la modification la formation des masters MEEF et leur encadrement.

Cette réforme vise à prendre acte des critiques de la réforme de 2013 tout en continuant la réelle prise en compte des compétences pédagogiques dans la formation des enseignants. C’est en ce sens que sont modifiés les référentiels de compétences pour les masters MEEF premier et second degrés : faire des enseignants non des spécialistes d’une ou plusieurs disciplines, mais des facilitateurs d’apprentissage qui font le lien avec l’actualité, les sujets de société, s’adaptent à l’élève et transmettent des valeurs républicaines. En cela, les référentiels reprennent en partie les préconisations du comité de suivi de la réforme de la formation des enseignants présidé par le Recteur Filâtre auquel la FAGE avait participé.

Pourtant, le Gouvernement a également annoncé son souhait de voir nationalisée la politique éducative dans les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE) qui seront transformées en Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) avec des directeurs nommés par les Ministres. Si le souhait de voir s’uniformiser certaines modalités d’enseignement de la formation des enseignants peut être salué, la FAGE a souligné depuis plusieurs mois les dangers d’uniformisation qui pourraient brider l’innovation des équipes éducatives des masters MEEF. En effet, ces masters se doivent d’être à l’avant-garde des transformations pédagogiques dans l’enseignement supérieur. Par exemple, l’ESPE de Rennes doit pouvoir continuer à être soutenu dans la mise en place d’enseignements en approche par compétences et approche-programme.

La réforme a également pour objectif de mieux préparer les étudiants à l’entrée dans le métier. Et pour cause : les rapports successifs n’ont cessé de pointer le ressenti de manque de préparation des fonctionnaires-stagiaires en M2 et dans les premières années de titularisation. Le Gouvernement entend mieux préparer les futurs enseignants de deux façons : en impulsant de nouveaux dispositifs de préprofessionnalisation avec les modifications de statuts des Assistants d’Education (AED) et en prévoyant une formation continue améliorée lors des trois premières années suivant l’obtention du master.

La fin du dispositif Emploi d’Avenir Professeur (EAP) faisait craindre à la FAGE la disparition des incitations et de préparation à l’entrée dans un master MEEF pour devenir enseignant. Le Gouvernement a annoncé son remplacement par des étudiants sous contrat d’AED à mi-temps avec un référentiel de compétences refondu. Initialement, ce référentiel permettait, dans certains cas, à l’étudiant de travailler seul devant les élèves, sans préparation et sans encadrement. Aussi dangereux pour le système éducatif que pour l’étudiant en formation, ce dispositif manquait en cohérence et la FAGE a demandé qu’une nouvelle version du référentiel puisse être présentée, en augmentant progressivement les responsabilités de l’AED, mais sans perdre de vue l’objectif pédagogique du dispositif.

Par ailleurs, la FAGE tient à rappeler que le développement du système des AED ne saurait suffire ni aux étudiants, ni à l’éducation nationale. Alors que le recours aux missions contractuelles d’enseignement est encore trop fréquent et a récemment été à nouveau dénoncé par la Cour des Comptes, il est important d’ouvrir le nombre de postes de titulaires à pourvoir, tant au CRPE (professorat des écoles) qu’aux CAPES et CAPEPS.Enfin, la préprofessionnalisation doit se faire en lien avec des enseignements dispensés dès la licence universitaire : grâce à des modules qui pourraient mettre en lien théorie et pratique pour un AED, ou préparer aux programmes des masters MEEF.

La question tant attendue de la place du concours semble avoir été tranchée par les Ministres : le concours de titularisation se fera à la fin du M2, ne reprenant que partiellement le rapport Ronzeau-Saint Girons qui proposait également une alternative de l’admissibilité en L3 et l’admission en M2. Pour la FAGE, le passage du concours d’admission en M2 peut être dangereux et si la décision ministérielle est déjà annoncée, il faudra encadrer strictement cette réforme. Si la place de ce concours permet maintenant d’évaluer les compétences pédagogiques et professionnelles du futur enseignant et d’arrêter avec un concours purement basé sur des connaissances qui ne correspondent plus ce qui est demandé d’un professeur des écoles ou d’un professeur du secondaire, les étudiants seront obligés d’attendre le M2 pour savoir s’ils pourront entrer dans l’Education Nationale et ce, alors que le master MEEF ne forme aujourd’hui pas à autre chose. La FAGE sera attachée à défendre une ouverture de l’insertion professionnelle des diplômés de MEEF vers d’autres débouchés que l’Education nationale.

La FAGE dénonçait comme tous les acteurs l’incongruité d’un concours placé en première année de master qui empêchait les étudiants de suivre un cursus cohérent et rendait compliquée l’obtention du master pour les « reçus-collés », ces étudiants reçus en M2 mais collés à l’examen. En revanche, la réforme proposée ne va pas dans le sens d’une amélioration, faisant perdre aux étudiants une année pour passer le concours pendant leurs études et déplaçant finalement le problème des « reçus-collés » d’une année.

C’est enfin la précarité des étudiants en MEEF qui pourrait être touchée. Alors qu’aujourd’hui, les étudiants sont fonctionnaires stagiaires en M2 lorsqu’ils ont réussi le concours, ils ne seront qu’AED demain, avec une perte de salaire et de statut conséquente. La FAGE demande donc à ce que les étudiants puissent être rémunérés en M2 à la hauteur de ce qu’ils le sont aujourd’hui comme fonctionnaires stagiaires.

La précarité se joue aussi au niveau des poursuites d’études éventuelles. On peut déjà observer aujourd’hui que les reçus collés sont en difficulté pour rédiger leur mémoire de recherche. Alors que le concours sera placé pour tous les étudiants en M2, la FAGE peine à concevoir un accès à la recherche améliorée, à l’heure pourtant où les discours cherchent à valoriser la poursuite d’études en doctorat pour les étudiants en Master MEEF pour améliorer la recherche en éducation qui en a besoin.

Seule organisation étudiante portant des positions développées sur les étudiants en Master MEEF, la FAGE demande à être incluse dans les négociations au même titre que les syndicats professionnels de l’éducation nationale. Plus qu’une formation, c’est le fondement de notre système éducatif qui est en réforme actuellement.

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