Si Thierry Mandon a effectivement souligné que, passée l’urgence de stabiliser la situation de la rentrée 2016, il était nécessaire de repenser globalement la structuration du master, la régulation entre les cycles licence et master et de créer un outil de type plateforme d’orientation, comme le préconise la FAGE, le reste des réponses apportées a été d’une vacuité effrayante. Bien qu’elle adhère naturellement à l’idée, revendiquée depuis de longs mois, d’une concertation devant proposer des solutions pour fluidifier l’orientation entre la licence 3 et le master 1, la FAGE tient tout de même à faire remarquer à Thierry Mandon qu’il a lui-même créé la situation d’urgence qu’il brandit comme prétexte pour opérer en deux temps.
A l’occasion d’une réponse à une nouvelle interpellation sur la question du master, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a livré une tribune engagée et virulente contre la sélection, qualifiée de « rétrograde » et nuisible à la démocratisation. Nous pourrions nous en satisfaire si l’unique objet de ce laïus, plus zélé qu’utile, n’avait été de camoufler l’absence flagrante d’ambition sur le dossier du master. Bien entendu, la sélection à l’entrée de l’enseignement supérieur est un leurre et un péril fatal pour la démocratisation de l’enseignement supérieur. Bien sûr, l’instauration d’une barrière sélective aveugle entre les cycles licence et master serait inepte.
Pourtant, si la ministre était sincère sur cette vision de la sélection, pourquoi donc aurait-elle permis une rallonge de 60 M€ à Polytechnique visant à soutenir le développement de formations sélectives ? Si son long et enflammé propos était réellement l’illustration fidèle de sa pensée politique, pourquoi ne s’attaque-t-elle pas aux formations sélectives et motrices de reproduction sociale que sont les CPGE et autres Sciences Po, ENA et Polytechnique ! Que Najat Vallaud-Belkacem en soit assurée, si elle décidait de cela, elle trouverait sans réserve la FAGE à ses côtés. Mais elle ne le décidera pas.
Elle ne le fera pas car l’unique but de ce propos était d’expliquer, tout en étant la première ministre depuis 1984 à instaurer la sélection en second cycle, qu’elle n’était pas en train de le faire. Ce jeu de dupes, la FAGE refuse d’y participer. De toutes manières, le ministère peut déjà compter sur ses laquets pour en assurer le service après-vente auprès des étudiants, véritables perdants de l’opération.
Perdants, car tant qu’on ne remettra pas en question le master universitaire afin de le rendre cohérent avec les standards européens et lisible pour son éco-système, ce sont bien les étudiants du service public d’enseignement supérieur qui seront pénalisés. Il le seront par un système dans lequel on décharge les établissements privés de toutes forme de responsabilité sociale et au sein duquel on ne permet pas à l’Université de bénéficier d’un diplôme phare rénové, ambitieux et offrant à tous l’accès à l’excellence d’une formation combinant habilement un adossement à la recherche et une professionnalisation aigüe.
Après avoir déchargé ses responsabilités sur l’avis du conseil d’état tout en suspendant les concertations, le ministère s’apprête à en faire de même sur la Conférence des Présidents d’Universités en les mandatant de l’établissement de la liste des formations autorisées à sélectionner. Habile, le ministère poursuit de botter en touche, et se garde bien de mettre les mains dans la mécanique.
La situation actuelle, qui ne satisfait aucune des parties prenantes, incarne la primauté de l’urgence et de la communication politique sur l’intérêt général et la vision stratégique de long-terme. Le master, diplôme spécialisant, adossé à la recherche et ayant vocation à rayonner devrait être l’objet de toutes les attentions quant à sa portée stratégique, son organisation et les objectifs collectifs qui lui sont fixés. Au lieu de cela, il est abandonné à son triste sort, faute d’une ambition transcendant les clientélismes.
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