Cette annonce s’est tenue dans le contexte de la présentation du nouveau plan stratégique de l’X. Dans une société en évolution permanente, notre système d’enseignement supérieur se doit d’évoluer en conséquence. L’Ecole Polytechnique tâche d’apporter par son nouveau plan stratégique des réponses intéressantes à cette fin et annonce l’évolution de ses formations pour le développement de compétences relevant du savoir-être (soft skills) mais aussi pour promouvoir davantage l’approche par projet. L’Ecole Polytechnique réaffirme sa place dans un écosystème s’ouvrant sur la société et notamment le monde économique en réformant son enseignement de l’économie, en créant un module d’introduction à la vie en entreprise ou encore en impliquant davantage des industriels. L’entrepreneuriat sera également soutenu et l’alternance renforcée au sein des formations. En outre, le nombre de cours en ligne ouverts à tous et proposés par l’établissement doit être multiplié par 10. Enfin, on observe le développement de nouvelles formations ayant vocation à répondre à des besoins nouveaux en termes de qualifications.
Si la création de ces formations et la mise en œuvre de pédagogies ambitieuses ne peuvent qu’être saluées, il ne faut pas omettre que leur développement, et en particulier celui des MOOC, implique un investissement.
Cet investissement, l’Etat a décidé de le concéder pour l’X, grande école de 3 000 étudiants, et seulement pour l’X. Pourtant, cette année, ce sont 65 000 étudiants supplémentaires qui ont rejoint l’enseignement supérieur. Cette augmentation du nombre d’étudiants est primordiale pour répondre à de nombreux enjeux sociétaux. Cependant, l’absence d’effort substantiel de l’état pour les universités limite les perspectives de réponse à l’enjeu de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. De plus en plus d’établissements voient une solution de facilité en l’émergence de capacités d’accueil quand le numérique et les évolutions des modes d’apprentissage notamment permettent des alternatives intéressantes.
En outre, si l’on peut souligner l’intérêt de développer des formations répondant à l’évolution des besoins en matière de qualification, on ne peut que déplorer la forme dans laquelle ce développement s’opère. Alors que le Cadre National des Formations prévoit le développement de formations expérimentales qui n’entrent pas sur la liste limitative fixant nomenclature des mentions de diplômes nationaux, Polytechnique aura fait le choix de consacrer plus de la moitié de l’investissement exceptionnel de l’Etat dans l’ouverture d’un Bachelor. Avec un prix de l’année de formation supérieur à 10 000€, au-delà d’une simple reproduction des élites sociales, c’est une sélection par l’argent qui s’opère, remettant profondément en question la responsabilité sociale de l’X. Alors que le gouvernement affiche une volonté manifeste d’ouvrir ces formations aux étudiants internationaux, on peut s’interroger sur l’impact en termes de développement et de public cible en regard du coût de ces formations.
Alors que les universités assument une formation de qualité adossée à la recherche pour plus d’un million et demi d’étudiants, elles se retrouvent face à une volonté manifeste du gouvernement de dissocier un enseignement qualifié « de masse » à un enseignement « d’excellence ». Ce présupposé grotesque est entretenu et exacerbé par le Gouvernement en creusant davantage la différence de financement par étudiant entre écoles et universités. Il n’est pas d’établissements d’excellence ou d’établissements de masse, il y a des établissements dotés et d’autres qui le sont autrement moins. Alors que la volonté est de promouvoir la visibilité internationale de l’Ecole Polytechnique notamment par le moyen du classement de Shanghai, pourtant critiquable à plusieurs égards, et malgré cette différence de moyens, l’université Paris Sud parvient à être mieux classée que l’Ecole Polytechnique. Pourtant, le Gouvernement exhorte les écoles d’ingénieurs de la Communauté d’Universités et d’Etablissements Université Paris Saclay à mettre en place un schéma de pôle d’excellence, admettant que l’excellence ne devrait qualifier que leurs propres formations.
Par la formation de ce « pôle d’excellence », le gouvernement ne fait que déséquilibrer la Communauté d’Universités et d’Etablissements, remettant ainsi en cause l’organisation et l’existence de celle-ci. Pourtant la création de Communautés d’Universités et d’Etablissements fait partie des réformes majeures que ce même gouvernement avait entamées. Plutôt que de promouvoir les synergies scientifiques, technologiques et culturelles entre les établissements ainsi que l’interdisciplinarité et l’émergence d’une politique de site commune, par ce moyen, le gouvernement acte et entretient une asymétrie au sein du regroupement.
En ne prenant pas les décisions qui s’imposent, en voyant la formation comme un coût plutôt qu’un investissement, en entretenant un système d’enseignement supérieur à deux vitesses, le gouvernement omet le rôle sociétal dévolu à l’enseignement supérieur et notamment de l’élévation du niveau de qualification tout en faisant fi du coût de la non-formation et de la non-qualification. Il n’appartient qu’au gouvernement d’éviter le point de non-retour et de donner à notre système d’enseignement supérieur les moyens de remplir les missions qui lui incombent en consacrant la priorité jeunesse et l’intérêt général plutôt que la reproduction d’une caste.
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