Monsieur le Président de la Républiqe,
La crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 qui frappe actuellement notre pays et le reste du monde, depuis plusieurs mois maintenant, est d’une gravité extrême. Les conséquences humaines sont désastreuses et le nombre de victimes, directes ou indirectes, ne cesse de croître quotidiennement. Malheureusement, cette crise ne se résume pas au volet sanitaire et elle vient, déjà aujourd’hui, s’accompagner notamment d’une crise sociale très importante et accroit de manière considérable les inégalités déjà existantes.
Afin d’endiguer un maximum la propagation du virus, des mesures fortes ont été prises dans de nombreux pays du monde. En France, les commerces non essentiels, les écoles, les universités sont fermées depuis la mi-mars et la population est confinée à domicile depuis le 17 mars dernier. Ces mesures qui viennent chambouler la vie de nombreux français ont des impacts à ne pas mettre de côté, notamment sur le volet social.
Je me permets par ce courrier de vous alerter sur la situation des étudiants et des jeunes.
La précarité étudiante est une réalité en France depuis de très nombreuses années. La démocratisation de l’enseignement supérieur, l’augmentation du coût de la vie et la non-augmentation, voire la diminution, des aides sociales ces dernières années sont des facteurs qui sont venus la renforcer. Pour rappel, 38% de la population étudiante est boursière et 20% des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté en France selon une enquête de l’INSEE publiée en 2018. Aujourd’hui, plusieurs facteurs viennent aggraver la situation dans ce temps de crise.
Tout d’abord, l’accès à une alimentation de qualité. En effet, de nombreux étudiants mangeaient quotidiennement dans les restaurants universitaires et n’en ont plus la possibilité. Ils se voient donc contraints d’acheter leurs aliments en grande surface, rendant ainsi les repas plus chers et parfois moins nombreux.
Ensuite, la perte d’une activité rémunérée créée, chez beaucoup d’étudiants, une perte de revenus massive à la fin du mois, rendant les dépenses liées au logement ou à l’alimentation encore plus compliquées à gérer voire impossibles. Nombreux sont ceux ayant vu leur stage gratifié s’interrompre ou être annulé, d’autres n’ont pas pu travailler pendant les vacances d’avril, certains ont perdu leur «?petit job?» de babysitting, les livreurs ou chauffeurs de VTC payés à la course ont vu leurs revenus s’effondrer.
Hier, lors de votre allocution, vous avez annoncé le versement « d'une aide exceptionnelle aux familles les plus modestes avec des enfants et aux étudiants les plus précaires ». Nous attendons beaucoup de cette annonce. En effet, les réponses apportées à l’heure actuelle par le gouvernement sont insuffisantes. L’apport de 10 millions dans le fond des aides d’urgences des CROUS et l’incitation faite aux établissements de créer des aides à partir du fond de la Contribution Vie Etudiante et de Campus sont malheureusement des réponses éloignées du besoin réel. La création de nouvelles aides par les établissements demandée par la ministre est un risque de voir apparaître un accompagnement très inégal selon les établissements. Tout d’abord car il n’y a pas de cadrage national et parce que les établissements ne sont pas égaux vis-à-vis des fonds restants issus de la CVEC.
C’est pour cela qu’il faut, selon la FAGE, créer une aide nationale issue d’un investissement de l’état pour celles et ceux ayant perdu une activité, tout en laissant les établissements utiliser le budget restant de la CVEC pour créer un accompagnement à la hauteur des besoins. De plus, il est nécessaire de suspendre le paiement des loyers en résidences CROUS et d’accompagner d’avantages les étudiants ayant un logement étudiant en dehors du parc CROUS.
Nous espérons que le Conseil des Ministres de ce mercredi pourra statuer en ce sens, à la suite de votre allocution de lundi.
La fermeture des universités au lendemain du 13 mars dernier vient profondément?mettre à mal la poursuite des enseignements. En effet, nos établissements n’étaient pas prêts à mettre en place, encore moins à généraliser, l’enseignement à distance. Au-delà de ces difficultés, de nombreux étudiants ne sont aujourd’hui pas en capacité de suivre ces enseignements à distance pour des raisons multiples (pas d’équipements informatiques ou de forfait internet, horaires de travail en forte augmentation, pas d’environnement propice au travail …).
Se renforce ainsi le risque de décrochage des publics déjà en difficultés ou les plus fragilisés par la situation. De plus, le risque d’échec massif lors des examens à venir n’est pas à négliger. Afin de ne pas aggraver la situation que nous vivons aujourd’hui, il est nécessaire de mettre toutes les chances de notre côté pour limiter les inégalités et garantir la réussite de toutes et tous. Pour cela, Monsieur le Président de le République, il est urgent d’établir un cadrage national des modalités de contrôles de connaissances afin de permettre à chacun de réussir (examens uniquement sur les cours étudiés avant le 13 mars, devoir maison et non examens en ligne sur une période donnée, utilisation de la voie postale ou bien d’entretien téléphonique en cas de connexion internet impossible …) et de créer exceptionnellement une troisième chance en présentiel en septembre. Sans la mise en place de ces modalités, nous pouvons craindre une augmentation forte de l’échec dans l’enseignement supérieur.
Il était également essentiel pour moi d’évoquer ici la situation des étudiants en santé mobilisés en première ligne face à la crise dans les hôpitaux et les structures de soins. Il n’est pas tolérable que les étudiants soient mis en danger. Les soignants, étudiants comme professionnels, doivent bénéficier du même accès au matériel inhérent à leurs activités. De plus, cette situation sans précédent ne doit pas pour autant nuire à l’encadrement légal, statutaire et assurantiel de cette mobilisation. Nous demandons à ce que les étudiants mobilisés aient une rémunération à la hauteur de leur mobilisation et que les indemnités versées dans le cadre de stage soient revalorisées.
De plus, la situation dans les hôpitaux, les EPHAD et autres structures de soins est aujourd’hui très dure. Les soignants font face à une situation sans précédent et les étudiants, encore en formation, d’autant plus. Les impacts sur le bien-être et la santé mentale sont importants, et c’est pourquoi, Monsieur le Président de la République, nous demandons qu’un accompagnement psychologique gratuit soit rendu possible pour l’ensemble de ces étudiants.
Enfin, je voudrais finir en vous alertant sur l’impact que va produire la crise sur l’emploi des jeunes. Ces derniers, déjà plus touchés que la population globale par le chômage, vont pâtir davantage de la crise que nous sommes en train de vivre, et le taux de chômage risque encore de grimper chez ce public. Les jeunes de 18 à 25 ans sont aujourd’hui exclus d’une partie de notre protection sociale puisqu’ils n’ont pas accès au RSA. Si nous voulons éviter le pire, il est aujourd’hui indispensable de supprimer la réforme de l’assurance chômage et d’ouvrir l’accès au RSA à ce public. Il faudra également renforcer les mécanismes d’accompagnement vers l’emplois comme la Garantie Jeune.
Monsieur le Président de la République, l’ensemble de ces problématiques impacte fortement et de manière durable les étudiants et les jeunes partout en France. Afin de faire face à la crise et de minimiser ses impacts notamment sociaux, il est primordial qu'une forte solidarité soit mise en place concrètement pour accompagner les plus vulnérables.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
Orlane François
Présidente de la FAGE
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