Les Jeunes au Cœur de la Société - 30 ans FAGE

18/12/2019

Retrouvez le discours de clôture d'Orlane François, Présidente de la FAGE, à l'occasion du rendez-vous Les Jeunes au Cœur de la Société, tenu au CESE le 16 décembre 2019

Comme le disait Thomas Sankara, il est l’heure « d’oser inventer l’avenir ».

Depuis maintenant trente années, le réseau de la FAGE œuvre quotidiennement, au service de l’intérêt général. 30 ans d’action, de militantisme en faveur de l’égalité des chances et autour des valeurs de l’humanisme, de la solidarité, de l’universalisme. 30 années de combat marquées par des victoires historiques mais aussi par la gestion de services déterminants dans la vie des étudiants et des jeunes. 30 ans que les associations étudiantes portent le flambeau de l’Union du 4 mai 1907 et, ce faisant, l’idée d’un mouvement étudiant aspirant au progrès par l’acquisition de droits nouveaux, par la création et la gestion militante de services utiles, universels, et donc précieux.

En 1946, Paul Bouchet et d’autres, lors de la rédaction de la charte de Grenoble, en étaientt persuadés : ils étaient des acteurs sociaux à part entière. Ils le disaient en ces termes : “On partait d’un autre point de vue, du fait qu’on était des jeunes et qui ne voulaient pas être que des jeunes, et surtout pas que des jeunes fournissant des colleurs d’affiches pour les partis politiques». 

Il était temps de réformer, même de créer le syndicalisme étudiant : celui d’une action directe mais aussi de la gestion étudiante. 

Aujourd’hui, les alarmes sont nombreuses, qu’elles viennent des corps intermédiaires ou plus récemment de citoyens plus éloignés de la vie publique. Le contexte politique et social est empreint d’une profonde méfiance. Pour cause, notre modèle génère toujours plus d’inégalités et d’injustices, tout en mettant en péril la vie sur terre. 

Notre pays traverse une crise sociale profonde, déclarée il y a un peu plus d’un an maintenant et qui se prolonge aujourd’hui. Mobilisation contre la situation de pauvreté des étudiants, mobilisation contre le projet de réforme des retraites ... 

Et pourtant. Et pourtant cela fait des années, trop d’années, que les réponses apportées ne sont que des pansements sur des jambes de bois, que nous nous contentons de «rafistoler» un système à bout de souffle. Il est l’heure de partir d’une page blanche. Cet avenir, la FAGE a de quoi le construire. Un projet de société, juste et solidaire, donnant à chacun le pouvoir de vivre, en s’appuyant sur une question : comment mettre fin à la précarité sociale, la précarité financière et la précarité de notre futur ?

La réalité est la suivante : la France reste l’un des pays avec le système éducatif reflétant le plus les inégalités sociales. A ces inégalités, certains répondent par cette théorie du mérite, du « quand on veut, on peut ». Trop simple de se cacher derrière les soi-disant échecs individuels quand le plus grand est bien celui du collectif. Celui d’un collectif qui n’a jamais réussi à donner à chacun la même chance de réussir. Alors il est temps d’y mettre les ambitions et les moyens nécessaires. II est temps de venir construire un système luttant contre l’autocensure, contre cette reproduction sociale bien trop présente. Au-delà des accompagnements financiers sur lesquels je reviendrais juste après, la FAGE demande depuis des années de construire un système d’orientation et d’accompagnement de proximité, de qualité et individualisé. Un système d’orientation tout au long de la vie qui permettra à chacun de trouver sa place dans cette société qui évolue de plus en plus vite. Au-delà d’une orientation réinventée, c’est cet accompagnement personnel vers la réussite qu’il faut renforcer. Ne plus laisser des jeunes échouer et décrocher, sortir du système. Cela doit être une première priorité. 

Au-delà de ces situations d’échec, de difficultés vécus par de nombreux jeunes, la vie étudiante est marquée par plusieurs changements parfois radicaux dans le quotidien des jeunes : une plus grande émancipation, une construction sociale passant par de nouvelles rencontres et de nouveaux types de relations ainsi que la concrétisation d’un projet de vie. 

A tout cela peuvent s’ajouter des difficultés spécifiques à la population étudiante : la distance avec l’entourage, les problèmes financiers, la pression ou encore la précarité du logement. Ces éléments sont alors parfois responsables d’un mal être qui s’installe. 

De fait, les chiffres de la dernière enquête de l’Observatoire de la Vie Etudiante sont parlants et se distinguent supérieurement de ceux de la population générale : 20% des étudiants ont présenté des signes de détresse psychologique dans le mois précédant l’enquête, et 37% ont montré un signe d’épisode dépressif. Parmi les répondants, pas moins de 8% d’entre eux ont déjà eu des pensées suicidaires. C’est le double par rapport au reste de la population. Les actualités récentes à Lyon, Clermont, Bordeaux n’ont pu que confirmer ces chiffres, malheureusement. Il devient urgent que les pouvoirs publics, les institutions se saisissent bien plus de ce sujet majeur. Mais parce que la FAGE et ses associations ne sont jamais restées dans l’inaction et que le constat est bien trop alarmant, nous avons décidé de relancer depuis quelques semaines maintenant le projet «Bouge Ton Blues». Ce projet qui associe action par les pairs et acteurs professionnels va voir le jour sur un maximum de campus partout en France afin d’agir au mieux pour le bien-être de ces jeunes.

Si cette précarité sociale s’intensifie, c’est qu’elle est souvent dû à une précarité financière qui ne permet pas à la famille, au jeune, à l’étudiant de pouvoir vivre dignement. Depuis trop longtemps la FAGE, mais bien d’autres aussi, alerte sur l’urgence de la situation, notamment chez les jeunes et les étudiants. Là encore, les chiffres ne font que nous confirmer la réalité d’un trop grand nombre d’entre nous : 20% des jeunes vivent en France, en 2019, sous le seuil de pauvreté. Les très légères augmentations des montants des bourses, le gel des loyers dans les résidences CROUS, la construction de nouveaux logements sociaux, ça ne suffit plus. Vraiment plus. Il est temps d’imaginer de nouvelles solutions, de changer le système en profondeur. Vous avez pu entendre l’excellent témoignage de Roxane toute à l’heure. Cette précarité, face à l’action insuffisante des pouvoirs publics, la FAGE a décidé de la combattre par elle-même avec notamment la mise en place des AGORAé, mais via un tas d’autres projet qui sont menés quotidiennement sur les campus car l’insupportable est devant nos yeux tous les jours. Il est temps. 

50%. C’est ce que représente la part du logement dans un budget étudiant. 

1 700 000. C’est le nombre d’étudiants qui quittent le domicile parental pour étudier. 175 000. C’est le nombre de logement CROUS disponible sur le territoire. 

Après ces chiffres, il est assez facile de se rendre compte que l’accès à un logement digne n’est absolument pas garanti à celles et ceux qui le souhaiterait. D’autant plus que la politique menée dès le début du quinquennat par le gouvernement laisse, comment dire, à désirer. 5euros en moins par mois sur les APL, désindexions de ces dernières … 

Au-delà de la nécessité de construire davantage et plus vite, de la nécessité de mettre en place l’encadrement des loyers dans l’ensemble des villes en tensions ou encore de garantir l’application de VISALE il faut réinventer l’accès au logement social pour les jeunes. Le parc HLM doit être mieux réfléchi pour accueillir des jeunes et des étudiants. Il est nécessaire de décloisonner, de mettre l’ensemble des parties prenantes autour de la table, de révolutionner le logement social en France. 

20%. C’est le nombre de jeunes qui vivent sous le seuil de pauvreté en France, en 2019. 

Et pourtant aujourd’hui les moins de 25 ans n’ont pas accès au Revenu de Solidarité Active, le RSA. Alors, ces jeunes éloignés de la formation, des stages, de l’emploi, comment peuvent-il s’en sortir ? Au-delà des 150 000 jeunes accompagnée via la Garantie Jeune, il est l’heure de changer les choses. Il faut donner les moyens à chacun de vivre, d’en avoir les ressources financières et d’être accompagné. Nous ne pouvons plus nous défiler. Ces jeunes doivent avoir accès aux minima sociaux de la même manière que le reste de la population. En plus d’ouvrir ces droits, le montant de ces minima doivent être revus à la hausse, afin de permettre à chacun d’être digne. 

Quant aux jeunes en études initiales. 

Je ne vais pas revenir sur les éléments que j’énonçais plus haut, mais le constat est le même : le modèle d’aides sociales étudiants n’est plus le bon. Ce système de bourses qu’on a tenté de soigner depuis de nombreuses années en y ajoutant des échelons, en augmentant légèrement les montants tous les 3 ou 4 ans, ça ne suffit plus. Plus du tout. L’ambition doit être au rendez-vous, nous le demandons depuis trop longtemps. Les promesses sans concrétisations ne sont plus tenables, plus acceptables. Il faut réformer en profondeur ce système pour créer une aide adaptée à chacun, au plus proche du jeune et de sa situation personnelle afin de lui donner toutes les clés de l’autonomie. La FAGE, via l’ensemble de son réseau à encore une fois rappeler ce week-end sa détermination profonde à faire changer les choses, et continuera de se mobiliser par de nombreux moyens dans les semaines, mois à venir, et autant qu’il le faudra pour enclencher une véritable réforme. Et je vous promets que nous ne lâcherons pas, jamais. 

Mais au-delà des chiffres, les conséquences, elles sont bien réelles, marquantes et nombreuses. Je voudrais en mettre une en avant, désastreuse. 1 étudiant sur 3 avoue avoir renoncé à des soins pour manque de moyens financiers. Renoncer à des soins, dans la plupart des cas essentiels. Mais en même temps, comment expliquer à Julien qu’il doit dépenser?20 euros par mois pour une complémentaire pour pouvoir aller chez le dentiste en étant couvert à 100% alors qu’il ne lui reste que deux euros par jour pour manger ? Comment expliquer à Inès qu’elle doit dépenser 50 euros pour aller faire son suivi gynécologique car elle n’a pas de complémentaire santé alors qu’elle ne peut déjà pas acheter de protections hygiéniques tous les mois ? C’est impossible. 

Suite à la suppression du régime de sécurité sociale étudiante, revendication historique de la FAGE et première étape nécessaire, le constat sur le déficit de couverture en termes de complémentaire santé est alarmant. Ainsi nous sommes arrivés à la conclusion qu’une complémentaire étudiante offrant un panier de soins de 100%, prise en charge notamment pour les usagers boursiers de l’enseignement supérieur serait?un levier d’action efficace pour lutter contre le renoncement aux soins. Il faut concrètement avancer sur ce sujet. 

La jeunesse, depuis de nombreuses années est souvent mise en avant par les gouvernements, les élus, comme une priorité, comme une population particulière qu’il faudrait mieux accompagner afin de lui assurer un futur acceptable, que toutes et tous aient confiance dans leur avenir. Mais quel avenir voulons-nous ? Un avenir dans lequel le taux de chômage des plus jeunes atteint encore plus de 25% des 18-25 ans? Un avenir ou l’accès à une retraite décente est loin d’être garantie à chacune et à chacun? Je ne cite ici que quelques exemples pour le moment, mais soyons clair, la réponse est un grand non. 

Revenons quelques instants sur le chômage massif des jeunes. Comment voulez-vous que les jeunes aient confiance en leur avenir lorsque la dernière réforme de l’accès au chômage qui durcit drastiquement les conditions d’accès va prioritairement et grandement toucher les jeunes les plus précaires?? Pour être clair, nous parlons ici de plusieurs centaines de milliers de jeunes qui vont voir leur droit au chômage diminuer, voir totalement disparaître pour bon nombre d’entre eux. Comment ces jeunes vont-ils faire pour s’en sortir? Le chômage massif des jeunes en France n’est pas nouveau, et il est important de se poser les bonnes questions. Si ce chômage touche également des jeunes diplômés, il concerne particulièrement les jeunes sans formations, sans qualification. L’accès à l’emploi, stable et correspondant au niveau de qualification, s’avère dans de nombreux cas être un parcours du combattant. Alors, pour la FAGE il est urgent de s’engager concrètement contre ce fléau. Les jeunes veulent avoir accès à une qualification, les jeunes veulent être accompagné correctement, les jeunes ne veulent pas être laissé sur le bord de la route. 

Chômage massif, carrières fragmentées, études plus longues ... Les évolutions dans l’emplois et dans la vie des jeunes générations sont nombreuses. Et ces évolutions ne restent pas sans impact, bien au contraire. La FAGE sera toujours du côté de celles et ceux qui veulent le changement, qui veulent réformer pour créer les conditions d’une société plus juste, plus solidaire. La FAGE s’est toujours engagée dans les discussions autour de la réforme des retraites avec un mot d’ordre?: permettre aux jeunes de construire leur avenir avec l’assurance d’une retraite universelle, adaptée à chacun, digne pour toutes et tous, juste et solidaire. Cependant nous avons toujours été clairs : nous ne voulons pas d’une réforme paramétrique, économique et qui vient faire peser tous les efforts sur nous, jeune génération. Cela était inenvisageable. Et pourtant, c’est un choix économique de court terme qui a été fait, en imposant cette mesure d’âge injuste et injustifiée, à la place de choisir la route de la juste sociale. Nous ne pouvons l’accepter. C’est pourquoi je le réaffirme ici, haut et fort : la FAGE, les jeunes générations seront dans la rue mardi, demain, pour dire non. Nous ne serons pas la génération sacrifiée. 

Mais, comment garantir un avenir quand la vie sur terre continue d’être mise en danger quotidiennement ? Depuis 1990, les rapports du Groupement d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC) réévalue à la hausse ses projections d’augmentation du climat à l’horizon 2100. Depuis plusieurs mois maintenant, la jeunesse se mobilise partout dans le monde, de manière exceptionnelle pour dire qu’il est temps d’agir concrètement. Pour que les états prennent leur responsabilité. 

Au-delà des politiques, c’est tout une société qui doit s’y atteler. Pour la FAGE, les Universités, lieux d’émancipation, de formation, de recherche, doivent être des précurseurs dans ce combat. Et pourtant, dans un rapport publié le 24 mars dernier, le think tank « The Shift Project » annonçait une nouvelle peu reluisante : seules 7% des formations universitaires intègrent de manière obligatoire des enseignements sur les enjeux climat-énergie. Nous, étudiants, voulons donc poser cette question : pourquoi ne commence-t-on pas par agir, au sein de la communauté académique et universitaire, pour que ces enjeux deviennent prioritaires ? Pourquoi n’écoute-t-on pas vos confrères et vos consœurs qui nous pressent de passer à l’action ? Dans la lutte contre le dérèglement climatique, il est de notre rôle d’universitaires de montrer la voie : à la fois car c’est notre communauté qui peut produire le plus de recherche sur le sujet et car c’est en notre sein que la majorité des jeunes générations seront préparées à agir. 

Alors, il est temps de faire bouger les choses. C’est pour ces raisons que la FAGE demande que soient déclarés dans toutes les université un état d’urgence climatique. Parce que nous ne pouvons plus attendre. 

Nous le voyons, l’ensemble des enjeux sur lesquels j’ai pu m’exprimer jusqu’à maintenant ne vont pas l’un sans l’autre, sont complémentaires et indissociables. C’est le point de vue de notre organisation, mais pas seulement. Les combats doivent se décloisonner pour mieux être gagnés. C’est pour cela que le 5 mars 2019, 19 organisations, syndicats, associations, fondations se sont réunies pour construire un nouveau pacte politique, social et écologique.Un pacte du court, du moyen et du long terme. Un pacte pour tous et pour la planète. Un pacte du pouvoir de vivre, aujourd’hui et demain dans la dignité et le respect, un pacte qui nous engage tous.

Nous pensons que le travail commun est essentiel. Dans un contexte où les corps intermédiaires ont du mal à se faire entendre du gouvernement, cette alliance extraordinaire va continuer à porter, à marteler ces messages afin de faire bouger les lignes. C’est comme cela que la FAGE voit sa place d’organisation étudiante, de jeunes. C’est dans cette dynamique que depuis 30 ans elle agit concrètement. 

Cette volonté d’intégrer l’étudiant dans la jeunesse nationale et mondiale ne peut que résonner aujourd’hui tant les combats que nous avons à mener doivent l’être collectivement et largement. Non, notre jeunesse n’est pas résignée. Nous n’écouterons pascelles et ceux qui crient sur tous les toits que les jeunes sont désengagés, moins solidaires, plus égoïstes. Au-delà de ne pas les écouter, nous leur prouverons le contraire.Il suffit de voir les récentes mobilisations massives pour défendre notre avenir et demander des actes forts pour le climat et la transition écologique. Notre jeunesse est plus que jamais engagée, et la FAGE sera être cette organisation collective qui répond aux peurs par l’ambition, aux renoncements par la détermination, au repli sur soi par un projet d’intérêt général.

Les enjeux sont nombreux. Face à cela, l’accès à l’enseignement supérieur et à un diplôme de qualité, créer les dispositions d’une justice sociale et écologique, donner à chacun la possibilité de s’épanouir, de s’émanciper et de trouver une place active dans notre société sont des priorités dont la FAGE continuera à s’emparer, sans jamais douter que son objectif de mise en capacité des jeunes puisse faire changer les choses.

La FAGE prendra toujours ses responsabilités en tant que première organisation étudiante, de jeunes et d’éducation populaire, qui a toujours refusé le pessimisme et la morosité. Prendra ses responsabilités pour transformer l’indignation de beaucoup en un espoir utile.

Alors, osons, et osez avec nous, inventer l’avenir ! 

Retrouvez la page de l'événement Les Jeunes au Cœur de la Société

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