Sécurité routière : des « mesures de rupture » pour sauver des vies

17/01/2018

Edouard PHILIPPE l’annonçait dès le début de son discours « Après trente années de progrès continu, nous venons de connaître trois années consécutives de hausse de la mortalité routière ». En effet, selon l’ONISR, la période 2002 – 2006 qui a été marquée par une forte décroissante (-11,7% en moyenne par an), a laissé place à une période de baisse et de stagnation jusqu’en 2013 (-5,4% en moyenne par an), pour afficher depuis ces trois dernières années une hausse moyenne de 0,25% par an.

Selon le premier Ministre, les seules mesures efficaces, bien que très impopulaires, sont les mesures dites de rupture car celles-ci visent à modifier les comportements des conducteurs. Impopulaires en effet. Selon un sondage Harris Interactive pour RMC et Atlantico publié le 09 janvier, « 59 % des Français se déclarent opposés à la décision du gouvernement » d’abaisser la limitation de vitesse à 80 km/h.

La FAGE vous propose un éclairage des principales mesures prises au regard de données de sécurité routière.

« Année, après année, les morts s’ajoutent aux morts et ce sont aujourd’hui des dizaines de milliers de Français, des dizaines de milliers qui savent, qui vivent, qui ressentent la douleur d’avoir perdu à tout jamais un conjoint, un enfant, un parent, un ami, un collègue. C’est intolérable pour eux et c’est inacceptable socialement ».

Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre, Comité interministériel de la sécurité routière, Hôtel de Matignon, le mardi 9 janvier 2018

La vitesse sur les routes

« Nous venons de décider d’y abaisser la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h [sur les route à double sens, sans muret de séparation entre les deux voies. Cette mesure sera effective dès le 1er juillet 2018]. Ne seront pas concernées par cette mesure, les portions comprenant deux fois deux voies qui, bien que n’étant pas dotées d’un séparateur central, sont conçues pour permettre des dépassements plus sécurisés et qui sont peu accidentogènes. »

« En ce qui concerne cette mesure, j’ai pris la décision d’instaurer une clause de rendez-vous au 1er juillet 2020. Si les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances, après deux années de mise en œuvre, le gouvernement prendra ses responsabilités. »

Plusieurs chiffres de l’ONISR vont dans le sens de cette mesure

  • Les routes bidirectionnelles, généralement limitées à 90 km / h, concentrent 87 % de la mortalité sur routes hors agglomération (1 911 personnes), soit 55 % de l’ensemble de la mortalité routière.
  • Depuis 2010, sur les routes hors agglomération, quatre personnes tuées sur dix sont âgées entre 18 et 34 ans (36 % en 2016).
  • En 2016, toujours sur les routes hors agglomération, prédominent les accidents sans tiers (38 % des personnes tuées, un taux bien supérieur à la moyenne européenne) et les chocs entre deux véhicules (28 % pour chocs frontaux et 14 % pour chocs par le côté).
  • 13 % des usagers tués effectuaient un trajet lié au travail (trajet domicile-travail ou trajet professionnel). A savoir qu’en 2013, deux tiers des actifs travaillaient hors de leur commune de résidence et la moitié de ces personnes parcouraient plus de 15 km.
  • La moitié des usagers tués lors d’un trajet professionnel circulaient en poids lourd ou véhicule utilitaire. Le risque routier est la première cause de mortalité liée au travail.

Oui mais dans les autres pays …

La France présente des spécificités territoriales qui rendent les comparaisons difficiles. En effet, sa population est équivalente à celle de l’Italie et du Royaume-Uni, mais inférieure à celle de l’Allemagne. Pourtant la superficie et la longueur du réseau routier français sont beaucoup plus importantes : entretenir et améliorer un tel réseau routier représente un coût conséquent pour le contribuable français et limite la part de réseau qu’il est possible de passer à haut niveau de service.

Par ailleurs, Gilles SALVARY, Président du groupe « Mobilités plus sûres », mentionne la nécessité d’une coopération entre l’État, qui fixe les règles et les objectifs, et les départements, propriétaires des routes. Une concertation entre les différentes entités, à partir de statistiques de terrain, apparaît effectivement être une modalité enrichissante à la prise de décision.

Petite info complémentaire au passage…

Les autoroutes comptent 8,6 % de la mortalité en France, pour 12 % en Allemagne : le linéaire des autoroutes françaises n’est inférieur que de 16 % mais la vitesse y est limitée à 130 km/h. 
32 personnes sont décédées en Allemagne pour 1 000 km d’autoroutes, contre 26 en France.

Un autre éclairage si vous souhaitez plus d’info…

En 2016, le coût des accidents corporels en France métropolitaine, calculé sur la base des prix unitaires, s'établirait à 38,3 milliards d’euros (Md€) répartis comme suit :

  • 11,3 Md€ au titre de la mortalité ;
  • 22,0 Md€ au titre des hospitalisations ;
  • 3,8 Md€ pour les victimes légères ;
  • 1,1 Md€ pour les dégâts matériels de ces accidents corporels.

Le coût total de l’insécurité routière serait de près de 50 Md€, soit 2,2 % du PIB.

Une aide aux victimes : des recettes pour alimenter un fonds d’investissement

Edouard PHILIPPE a annoncé officiellement que l’intégralité des recettes perçues par l’État, liées à l’abaissement de la vitesse, permettra de créer un fonds d’investissement pour la modernisation des structures sanitaires et médico-sociales, destiné à la prise en charge des accidentés de la route.

L’alcool et la consommation de produits stupéfiants au volant

« Nous avons donc décidé de multiplier l'usage du dispositif d'éthylotest anti-démarrage. […]. C'est un outil utile pour lutter contre la récidive. Ainsi, toute personne dont le permis aura été retiré pour la deuxième fois pour « alcoolémie » ne pourra se le voir restituer qu'à la condition d'équiper son véhicule d'un éthylotest anti-démarrage et de se soumettre à un suivi médico-psychologique ». Autres personnes concernées, « les conducteurs dont le permis a été suspendu pour la première fois pour conduite en état d'ivresse pourront être autorisés à conduire pendant le temps de cette suspension s'ils équipent leur véhicule d'un dispositif d'éthylotest anti-démarrage. »

« Enfin, afin de rendre plus efficaces les contrôles de la conduite sous emprise de l'alcool, mais également de stupéfiants, les forces de l'ordre qui opèrent en bord de route pourront choisir de se rendre indétectables dans les applications communautaires. »

Selon le journal « Les échos », le plan gouvernemental prévoit aussi la suppression de l’obligation d’éthylotest à bord d’un véhicule. Par ailleurs, les mesures autour de l’alcool s’accompagneraient

d’une vente généralisée d’éthylotests à proximité des rayons de boissons alcoolisées et d’un développement des partenariats avec les débitants de boissons pour en favoriser la diffusion.

L’alcool : une priorité statistique dans la lutte contre l’insécurité routière

En 2016, les personnes tuées dans un accident avec alcool représentent 29 % des personnes tuées dans les accidents dont l’alcoolémie est connue. La part des accidents mortels avec alcool est relativement stable depuis 2000, aux environs de 30 %.

L’étude SAM rapporte que le risque d’être responsable d’un accident mortel est multiplié par 8,5 en moyenne chez les conducteurs alcoolisés.

Dispositif éthylotest anti-démarrage : un développement mais pas une nouveauté

Selon le site internet Service public, la conduite d’un véhicule équipé d'un éthylotest anti-démarrage (EAD) est une sanction judiciaire infligée pour certains délits accomplis en état alcoolique ou en état d'ivresse manifeste, qui existe depuis le 1er septembre 2017. Cette sanction judiciaire s'applique aux conducteurs ayant commis :

  • un délit de conduite en état alcoolique ;
  • un délit de conduite en état d'ivresse manifeste ;
  • un délit de fuite après avoir causé un accident ;
  • un homicide ou des blessures involontaires en étant dans un état alcoolique.

Il peut s'agir d'une peine complémentaire ou d'une mesure de composition pénale.

La FAGE partage la vision de l’ANPAA, d’une mesure d’intervention précoce et de réduction des risques, mais aussi d’une alternative à la suspension du permis de conduire, ce dernier étant un élément du lien social et un outil de travail pour certains.

Elle rejoint aussi l’ANPAA sur l’alerte qu’elle lance au gouvernement concernant le coût financier du dispositif « Ethylotest anti démarrage » ; point de vigilance à prendre en compte pour un déploiement efficace et accessible à tous.

L’usage des téléphones portables au volant

« Il a été décidé que les forces de l'ordre pourraient désormais retenir le permis de conduire d'une personne sanctionnée pour « conduite avec usage de téléphone tenu à la main » lorsqu'elle a commis en même temps une infraction susceptible de porter atteinte à sa propre sécurité ou à celle des tiers. »

Cette mesure devrait s’appliquer à compter de 2019

Un exemple pour mieux comprendre

Une personne omet d'utiliser son clignotant avant de tourner. Si cette omission se double de la tenue du téléphone portable en main, elle justifiera d’une retenu du permis de conduire.

Quelques chiffres sur l’inattention au volant

En France, 9 % des accidents mortels présenteraient un facteur causal « inattention ou téléphone » (source APAM). Il existe plusieurs types de distracteurs (visuels, manuels, cognitifs ou auditifs) provenant de sources internes ou externes au véhicule.

Des études relèvent que le défaut d’attention est présent (selon la portée que l’on donne à la notion d’attention perturbée) dans 25 % à 50 % des accidents corporels. Parmi ces accidents, dans un accident sur deux, il s’agit d’une conduite sur des trajets connus. En France, en 2016, une « attention perturbée » est relevée comme facteur d’occurrence à hauteur de 9 % des personnes tuées, soit 310 personnes.

Le téléphone : le fléau des distracteurs

Selon l’expertise collective Ifsttar-Inserm, une communication téléphonique multiplie par trois le risque d’accident matériel ou corporel.
Près d’un accident corporel de la route sur dix serait lié à l’utilisation du téléphone en conduisant, que ce soit avec ou sans « kit mains libres ».

La protection des piétons

« Pour mieux les protéger, nous allons inciter - et bon nombre de collectivités territoriales se sont déjà engagées dans cette voie - et aider ces collectivités locales à sécuriser les abords immédiats des passages piétons en redéfinissant les emplacements de stationnement dans un souci d'accroissement de la visibilité. »

« Nous allons également rendre possible la constatation sans interception notamment par vidéo-verbalisation des infractions liées au non-respect des règles de priorité pour les piétons. Enfin, nous allons renforcer les sanctions applicables aux conducteurs ayant commis ce type d'infraction. »

Les piétons, une priorité de la sécurité routière : pourquoi ?

  • La mortalité piétonne a augmenté très fortement en 2016 (+ 19,4%), principalement pour les 75 ans et plus, après un net abaissement sur la période 2000 – 2015.
  • En 2016, les piétons représentaient 19% de l’ensemble des accidents corporels.
  • Les plus de 75 ans représentaient 40 % de la mortalité piétonne, pour une part dans la population de 9 %.
  • En 2016, en agglomération se concentraient 69 % des piétons tués et 90 % des piétons blessés hospitalisés.
  • En 2016, 65 % des piétons tués l’ont été dans un accident contre un véhicule de tourisme.
  • La mortalité piétonne est la plus forte entre septembre et février.

Les conducteurs exemplaires

« J'ai demandé qu'une réflexion soit lancée au cours du premier semestre de l'année 2018 pour définir s'il est opportun et si oui, à quelles conditions, que [les] conducteurs [exemplaires] puissent voir leur bonne conduite récompensée par les pouvoirs publics. Je sais que là aussi ce sujet divise mais je souhaite que nous y réfléchissions au cours des prochains mois et sur ma suggestion, le Comité interministériel de sécurité routière a décidé de confier cette étude au Conseil national de la Sécurité routière. »

Comme plusieurs acteurs, donc l’ANPAA, la FAGE ne nie pas la nécessité des mesures de contrainte / sanction. Mais celles-ci doivent être réfléchies dans une vision systémique, associant également des dispositions préventives et informatives, seules véritables mesures à pouvoir faire évoluer les comportements des usagers face aux dangers de la route.

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