Une nouvelle fois, et malheureusement sans surprise, ce rapport pointe les nombreux dysfonctionnements des mutuelles étudiantes et leurs conséquences graves et directes sur les étudiants. Les rapports sont, en effet, déjà nombreux, qui les mettent en lumière : rapport de la Cour des Comptes3, rapport commun de l’Inspection Générale des Finances et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales4, rapport d’information des sénateurs Kerdaon et Procaccia5, enquête du Défenseur des Droits6, enquête UFC-Que Choisir7…
En raison de l’inefficacité de gestion des mutuelles étudiantes, les problèmes sont nombreux. Ils touchent à la fois directement les étudiants ou portent atteinte au système en général. On notera ainsi que certains étudiants se retrouvent dans des situations de rupture de droits à la Sécurité Sociale parce que leur affiliation au régime étudiant tarde à être faite par la mutuelle, situation “particulièrement grave” comme l’a souligné le Défenseur des Droits. Les étudiants ne sont en effet plus remboursés pour leurs soins, alors que le montant de ceux-ci est rapidement important. Cette situation est particulièrement scandaleuse lorsqu’elle concerne des étudiants victimes d’une affection longue durée (diabète, mucoviscidose…) dont les frais de santé sont extrêmement élevés et pris en charge à 100% par l’assurance maladie obligatoire, à condition d’être affilié. Les conséquences sont graves et peuvent conduire les étudiants à retarder ou renoncer à certains soins, non pas par choix mais par impossibilité financière.
D’autre part, certains étudiants reçoivent leur carte vitale avec beaucoup de retard, les obligeant à remplir des feuilles de soin dont le traitement retarde leur remboursement. Il arrive aussi que la déclaration de médecin traitant réalisée par l’étudiant ne soit pas prise en compte par la mutuelle. La mutuelle considère alors que l’étudiant ne respecte pas le parcours coordonné, une fois encore aux dépends de ses remboursements.
Sur un autre tableau, les méthodes des mutuelles sont, elles aussi, pointées du doigt. Présentes sur les campus lors des inscriptions administratives des étudiants, celles-ci ont pour mission d’informer les étudiants sur les modalités d’affiliation au régime étudiant. Il n’est pas rare que celles-ci profitent et entretiennent une certaine confusion dans l’esprit des étudiants, souvent peu informés au préalable sur la question, entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé, optionnelles et lucratives, développées par ces mutuelles.
De plus, ce système, qui devrait pourtant garantir un accès aux droits égal pour l’ensemble des étudiants sur l’ensemble du territoire, montre une grande hétérogénéité de qualité de service selon les mutuelles, le rendant de fait inégalitaire. Des exemples spécifiques montrent que certaines inégalités peuvent être volontaires, par exemple lorsque la LMDE traitait prioritairement les dossiers des enfants de parents affiliés à la MGEN (la Mutuelle Générale de l’Education Nationale), à l’époque où celle-ci la garantissait financièrement8.
Au-delà de l’impact direct de ce système sur les étudiants, le rapport remet aussi en cause son impact sur les finances publiques. En l’échange de la mission de service public qu’elles rendent, les mutuelles délégataires reçoivent des remises de gestion (de l’argent) de la part de la CNAMTS. La somme totale de ces remises de gestion a été calculée pour l’année 2016 de manière à ce que les mutuelles touchent 49€ par assuré. Alors que les Caisses Primaires d’Assurance Maladie ont des coûts de gestion à 43,67 € par assuré, ceux des mutuelles délégataires sont évalués à 49€ pour 2016. Bien que l’activité des deux soit difficilement comparable puisque leur périmètre d’activité n’est pas totalement le même, le rapport montre que les coûts de gestion des mutuelles sont plus importants pour une productivité inférieure et une mauvaise qualité de service, dans un contexte où l’argent public doit être préservé. Enfin, la Cour des Comptes a remis en cause les modalités d’évaluation par les mutuelles de leurs coûts de gestion qui tendent à faire porter les charges sur la gestion du régime obligatoire et marginalement sur la gestion de la couverture complémentaire : « On constate une sous-évaluation des coûts de gestion des complémentaires et une surévaluation des coûts du régime obligatoire – surévaluation utilisée par l’ensemble des mutuelles comme levier de négociation vis-à-vis de la CNAMTS pour négocier leurs remises de gestion.»
En conclusion, ce système, “[...] ancien et d’une complexité abracadabrante”, pour reprendre les mots des sénateurs, révèle, une fois de plus, son ineptie.
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